À Tarragone, la culture nous est aussi nécessaire que le pain quotidien
Sénèque écrivait que la sagesse était la seule liberté. Magí Seritjol s'occupe du festival Tarraco Viva et lorsqu'il était enfant sa quête de sagesse lui faisait dévorer les pages des livres d'histoire à la bibliothèque. Ces jours, dans notre époque numérique, il apprend toujours, absorbant les informations pour mieux les partager avec d'autres. Tarraco Viva est comme un réseau social géant pour la dissémination et la pensée de l'histoire. Partagée, la culture voit ses vertus transformatrices décuplées. « Elle est aussi nécessaire que le pain quotidien, » dit Seritjol.
Tarraco Viva est à l'histoire ce que John Ford est au cinéma : un style narratif clair, sans fioritures, centré sur les vertus et les failles qui nous définissent comme êtres humains. Tout comme La Prisonnière du désert (1956), classique parmi les classiques, le festival romain nous parle d'une quête sans fin dont chaque progrès ne fait que poser de nouvelles questions. Cette quête est celle de la découverte de soi.
Avec plus de 2000 ans d'histoire—y compris de petites histoires—Tarragone est un bon endroit pour initier cette quête. Le port, actif depuis la période romaine, a vu passer un flot ininterrompu de biens, d'idées et de valeurs qui ont laissé une trace dans la ville. On peut déceler dans le caractère des gens l'essence de la Méditerranée diverse et partagée, berceau de tant de civilisations au fil des millénaires. Pour Magí Seritjol, fils d'une famille de pêcheurs, la Mare Nostrum est une source inépuisable de nourriture comme d'expériences.
Le festival est resté fidèle à ses valeurs et ses objectifs. Selon Seritjol, « La conservation et la recherche scientifique n'ont aucun sens à moins d'être diffusées d'une manière adaptée. »
Tarraco Viva est né de la symbiose de deux disciplines apparemment éloignées : les arts du spectacle et la recherche d'une nouvelle étape dans la reconnaissance du patrimoine romain de Tarragone. Inspiré par d'autres festivals du même genre, cet événement propose reconstitutions dramatisées de la vie quotidienne à Rome, expositions, visites guidées, conférences, démonstrations culinaires, ateliers et projections cinématographiques. Il mobilise plus de 1000 personnes et attire environ 120.000 spectateurs.
« Le festival m'a permis d'associer mes deux passions : l'histoire et la gestion culturelle. Si nous avons mis en place une organisation solide, chaque édition est un tout nouveau défi, et je suis encore plus motivé aujourd'hui qu'au début, assure Seritjol. » Tarraco Viva ne se contente pas d’exploiter au mieux l'incroyable patrimoine romain de la ville ; il a permis la constitution d’un remarquable réseau de collaborateurs internationaux qui positionnent Tarragone comme ville culturelle, et il a su tirer avantage de la proximité d'institutions telles que l'URV (Universitat Rovira i Virgili) ou l'Institut Català d’Investigació Clàssica (Institut catalan de recherche classique). Le projet a eu un effet multiplicateur et a mené au développement de groupes locaux de reconstitution qui ont fait de Tarragone un exemple pour d'autres événements culturels.
Tarraco Viva a pour ambition de développer toute une économie du partage de l'histoire locale, dans le cadre de l'offre culturelle toujours grandissante de la ville. En générant des profits, le festival finance la préservation, l’étude et la vulgarisation de l'histoire, en un véritable cercle vertueux.
En suivant cette approche authentique, le festival a prouvé que la culture pouvait vraiment soutenir la communauté locale. Pour chaque euro investi, il génère 8€ de profit. Le point le plus important est cependant le fond et non la forme— Sertijol est catégorique à ce sujet : « Nous devons savoir où nous voulons aller, être conscients de ce que nous faisons, et nous assurer que c'est cela qui dirige nos activités et nos idées, et non l'inverse. »