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Véronique Mure, botaniste et ingénieur en agronomie tropicale .
© Bruno Doan

Comprendre l'histoire de ce paysage naturel

Depuis 30 ans, Véronique Mure, botaniste et ingénieur en agronomie tropicale, défend le patrimoine des jardins et paysages méditerranéens, dont le Pont du Gard. Ici, elle explique l'histoire ancienne du paysage du Pont du Gard, qui date d'avant le monument.

**Votre rencontre avec le site remonte bien avant votre travail sur son espace naturel ? **

V.M. : Le Pont du Gard est le monument antique le plus visité en France, notamment par des touristes internationaux attirés par son inscription sur la liste des Biens du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985. Mais c’est aussi un site très fréquenté par les habitants de la région. Un site où les nîmois ont leurs habitudes. Omelette de Pâques, repas de communion, promenades dominicales, baignades estivales…
Je suis Nîmoise.
Mon enfance fut ponctuée de tous ces moments familiaux. Je garde de ces visites des souvenirs de tablées joyeuses et endimanchées, de l’eau froide de la rivière (j’ai toujours été frileuse…), mais surtout d’une impression de fragilité face au gigantisme du monument.

Véronique Mure– © Bruno Doan
Véronique Mure– © Bruno Doan

**Comment appréhende t-on un espace naturel aussi fort, sacraliser par un monument exceptionnel comme le Pont du Gard ? **

V.M: Pour appréhender un tel site, sacralisé par la présence du monument, il faut prendre du temps, prendre son temps. Chercher à travers mille détails des paysages à lire ce qu’ils racontent de leur histoire. Si l’histoire du Pont du Gard était assez bien renseignée par les recherches archéologiques, il n’en était pas de même pour celle des garrigues qui en forment l’écrin. Recherches bibliographiques, arpentage du site, questionnement des habitants des communes environnantes, des « intellectuels » locaux, mais aussi quelque fois le hasard tout simplement, ont permis de reconstituer une histoire de ces paysages. Une histoire, bien plus longue que celle de l’aqueduc qui fut assez courte au regard de ces 2000 ans passés, et surtout mettant en scène toutes les populations locales, d’agriculteurs, de forestiers, de bergers… sur des générations.

Il a fallu aussi observer, localiser les usages, repérer les éventuelles situations conflictuelles (voitures vs piétons ; usagers locaux vs public touristiques…), en évaluer l’impact… pour proposer un aménagement à la fois juste, respectueux du site et de son histoire, mais aussi apaisé.

Comment pouvez-vous décrire les éléments spécifiques qui composent le paysage et l'environnement naturel du Pont du Gard ?

V.M. : Ici, comme dans beaucoup de sites, c’est le socle qui est la clef de tout.
Une rive (la droite) en calcaire urgonien. Un calcaire très dur, sur lequel poussent presque uniquement des chênes verts aux puissantes racines.
Une rive (la gauche) en calcaire molassique. Un calcaire coquillé tendre, sur lequel une couche de sol finit par s’accumuler et permettre des cultures en sec, céréales, vignes, oliviers, amandiers, cerisiers…

Entre les deux, le Gardon, une rivière capricieuse comme le sont beaucoup de rivières méditerranéennes, presque à sec en été, et capable de tout emporter sur son passage lors de crues mémorables de l’automne.

Un jardin des plantes utiles dans l'exposition en plein air " Mémoires de Garrigue ", conçue par Véronique Mure. – © MDG
Un jardin des plantes utiles dans l'exposition en plein air " Mémoires de Garrigue ", conçue par Véronique Mure. – © MDG

En amont des gorges.
En aval la plaine.
Une situation stratégique choisie par les romains pour enjamber le Gardon, donnant naissance à une série d’arches gigantesques, appuyées sur les franges du massif rocheux au débouché des gorges.

**Comment son aménagement s'inscrit dans une démarche de développement durable ? **

Assez vite le projet d’aménagement s’est inscrit dans une démarche de développement durable, ancrée sur ces trois piliers, environnemental, social et économique, aboutissant en 2004 à l’obtention du label Grands Sites de France.

• Protéger l’environnement, le paysage et le patrimoine par la réhabilitation et la mise en valeur des différents espaces qui composent le site : les abords du pont, les espaces de découverte, les espaces forestiers.
• Accueillir le public et lui donner des clés d’interprétation en mettant à sa disposition les services indispensables à une visite de qualité et en créant des espaces culturels couverts ou de plein air.
• Développer l’économie locale.

Le programme de réaménagement du cheminement principal, des parkings au monument, en est l’exemple. Un aménagement inclusif, regroupant le mobilier, la signalétique, la lumière, respectueux du site, et le mettant en valeur, tout en assurant une visite de qualité pour tous les publics .