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Ouvrant la longue « Seguici Popular », la parade traditionnelle des festivités de sainte Thècle, le « Ball de Diables » (bal des démons) avance en faisant crépiter toute la poudre de l'Enfer. Difficile de ne pas se laisser enthousiasmer.
© Joan Capdevila Vallve

Le Diable déguisé

« Sans méchants, il n'y aurait pas de héros. » Racontée par Oriol Margalef, voici l'histoire de Txema Gavaldà, acteur incarnant la Démone durant le festival de sainte Thècle, qui se déroule chaque année en septembre à Tarragone. L'un des événements les plus populaires du festival est le Correfoc ou course du feu, qui est aussi l'événement qui conclut le festival. Des locaux déguisés en démons et dragons, courent et bondissent en tous sens, torche en main.

Du feu, du paso doble, des timbales et des feux d'artifice… La Seguici populaire conduit le festival de sainte Thècle jusqu'à son point crucial, lorsque des milliers de Tarragonins (habitants de Tarragone) se rassemblent dans les rues de la Parta Alta pour ne rien manquer des festivités. Ouvrant la longue procession, le Ball de Diables (bal des Démons) avance en faisant crépiter toute la poudre de l'Enfer. L'intensité est extrême. Satisfaits, les Démons sourient à pleines dents : les Tarragonins ne lésinent pas sur la dépense quand il s'agit d'honorer leur sainte patronne. Et si les cloches carillonnent leur vertu depuis les cieux, les Démons convoquent tout le catalogue des si terrestres vices humains.

« Un monde unique, et deux puissances qui se complètent l'une l'autre. Sans méchants, il n'y aurait pas de héros. » Txema Gavaldà dit qu'il fait partie des héros. Casteller (participant aux tours humaines), marié, deux enfants, il travaille comme ouvrier dans l'industrie chimique. C'est un homme responsable, doux et raisonnable. Mais pendant les festivités de Tarragone, il est possédé. Il n'arrive plus à manger ou se reposer convenablement, et ne suit plus aucun programme—le temps est venu pour son alter ego de surgir : La Diablesa (la Démone) un personnage qu'il incarne depuis 1990 au cours du Ball de Diables. Le plus maléfique de tous les démons.

Saint Michel et les Démons. Connu populairement sous le nom de Bal des Démons, cette activité festive ouvre la parade populaire de sainte Thècle, durant le grand festival de septembre. Elle représente le combat entre les forces du bien, personnifiées par l'archange Michel, et les forces du mal incarnées par les démons. – © Manel R. Granell
Saint Michel et les Démons. Connu populairement sous le nom de Bal des Démons, cette activité festive ouvre la parade populaire de sainte Thècle, durant le grand festival de septembre. Elle représente le combat entre les forces du bien, personnifiées par l'archange Michel, et les forces du mal incarnées par les démons. – © Manel R. Granell

Commune, grotesque, lascive... la partenaire de Lucifer tire la langue, soulève ses jupons et pourchasse tous ceux qui passent près d'elle. « La Démone a du charme, elle me séduit, me transforme. Soudainement, je perds toute ma timidité, et je me sens vraiment bien. Dans sa folie complète, elle symbolise la perte de contrôle qui surgit durant les fêtes, et qui autorise n'importe qui à faire ce que la plupart des gens aimeraient faire, sans l'oser, » explique Txema.

Malgré les flammes et son aspect impostant qui commande le respect, sa barbe royale et son ceptrot (un bâton au bout duquel sont portés les feux d'artifice) permettent à la Démone d'être également l'un des personnages les plus appréciés. « Les enfants viennent me voir pour prendre des photos. Les jeunes n'ont jamais connu d'autres Démone que moi, » déclare-t-il.

La soi-disant « Bataille de saint Michel et des Démons », dont les racines remontent à Tarragone au XIVe siècle, fut ravivée en 1983. Elle montre le combat entre le bien, incarné par saint Michel, et le mal, 22 démons cornus menés par Lucifer et la Démone, l'un des groupes les plus appréciés et les plus populaires des festivités de Tarragone.

À aucun autre moment de l'année la ville n'est aussi vivante que durant le grand festival de sainte Thècle. Les origines de ce festival de rue remontent à l'an 1321 lorsqu’une relique de la sainte patronne—un bras—est arrivé dans la ville depuis l'Arménie. Pendant la danse des Démons, vous pouvez voir 22 démons cornus menés par Lucifer et la Démone. – © Manel R. Granell
À aucun autre moment de l'année la ville n'est aussi vivante que durant le grand festival de sainte Thècle. Les origines de ce festival de rue remontent à l'an 1321 lorsqu’une relique de la sainte patronne—un bras—est arrivé dans la ville depuis l'Arménie. Pendant la danse des Démons, vous pouvez voir 22 démons cornus menés par Lucifer et la Démone. – © Manel R. Granell

En fait, l'élément traditionnel est l'attrait indiscuté de sainte Thècle, une célébration massive déclarée Festivité patrimonial d'intérêt national par la Généralité. La Seguici, qui avait failli disparaît au XXe siècle, a été ravivée dans les années 1980 sous l'impulsion de la société civile, et peut désormais se targer d'un succès qui ne se dément jamais.

La Démone allume tant de carretilles (boîtes de feux d'artifice) à chaque représentation qu'il est impossible de les compter. Lorsque Txema était enfant, ses parents tenaient un bar sur Plaça de la Font, dans le centre-ville de Tarragone, et il lui était interdit de jouer avec des pétards durant le festival de Sant Joan (saint Jean) pour ne pas effrayer les clients.

Ses deux enfants et sa compagne participent également au Ball de Diables. L'un de ses garçons incarne à présent la Démone dans le bal des Enfants. Txema, qui est l'un des Catalans adorant le plus lancer des feux d'artifice, a fini par tomber d'accord avec son père. « Aujourd'hui, j'ai du mal à supporter les innombrables feux d'artifices de la saint Jean, » admet-il en riant.